Thèse de doctorat
Weight effects on stress: lexicon and grammar
Résumé
Cette thèse examine les effets du poids syllabique (aussi appelé la quantité syllabique) sur l’emplacement de l’accent tonique et propose une approche probabiliste dans laquelle est incorporée la notion que le poids est gradient plutôt que catégoriel. Les arguments en faveur de cette proposition sont répartis entre trois chapitres principaux, qui examinent — et qui modèlent de façon statistique — les tendances par rapport au poids dans le lexique (chapitre 1), au poids dans la grammaire (chapitre 2) et à l’interaction du poids et du pied phonologique (chapitre 3). Les analyses statistiques dans les chapitres 2 et 3 expliquent également comment nos attentes linguistiques concernant les effets de poids peuvent être incorporées dans des modèles statistiques en utilisant des distributions a priori légèrement informatives et comment les modèles qui incorporent ces distributions a priori se comparent à ceux basés sur des distributions a priori non informatives.
Dans le chapitre 1, j’examine les effets du poids dans le lexique portugais et je montre qu’ils sont considérablement plus complexes que ce que l’on suppose dans la littérature. Les études antérieures qui abordent le poids proposent que le poids n’affecte que l’accent tonique dans les syllabes finales et que le poids est catégoriel (par exemple, Bisol 1992, Lee 2007). Autrement dit, on classe traditionnellement les syllabes en portugais comme lourdes ou légères. Je montre plutôt que le poids ne doit pas être conçu comme étant catégoriel. En explorant un lexique complet (Houaiss et al. 2001), je démontre que les syllabes lourdes ont un effet gradient sur l’accent tonique. Cet effet est modulé par la position d’une syllabe lourde quelconque dans le domaine de l’accent tonique ainsi que par le nombre de segments dans le mot. Cela suggère que les effets du poids ne se limitent pas aux syllabes finales. Ce sont plutôt toutes les syllabes dans le domaine de l’accent tonique qui présentent un effet de poids sur l’accent tonique. En effet, un tel résultat est déroutant : une antépénultième légère est donc plus attirante — en matière de l’accentuation — que les antépénultièmes lourdes. Cela contredit la typologie du poids et de l’accent tonique car on ne s’attend généralement pas à ce que les syllabes lourdes repoussent l’accent tonique dans les langues qui sont sensibles au poids (Gordon 2006). Compte tenu des tendances non-catégoriques observées dans le lexique, je propose une approche probabiliste de l’accentuation dans la langue. Pour démontrer les bénéfices empiriques d’une telle approche, je démontre que l’exactitude des prédictions probabilistes est sensiblement supérieure à celle des prédictions catégoriques.
Dans le chapitre 2, je vérifie si ces tendances lexicales surprenantes en portugais font bien partie des grammaires des locuteurs. Premièrement, je démontre que les locuteurs généralisent les effets de poids non-catégoriel dans le lexique à des mots nouveaux. Les effets s’affaiblissent de façon monotonique lorsque nous nous éloignons de la frontière à la droite du mot, ce qui reflète les tendances dans le lexique (chapitre 1). Deuxièmement, je démontre que les locuteurs ne généralisent pas le modèle typologiquement contradictoire trouvé dans les antépénultièmes dans le lexique. Plutôt que de faire cela, les locuteurs attribuent des effets de poids positifs à toutes les syllabes dans le domaine de l’accent tonique — c’est-à-dire qu’ils renversent cet effet négatif de poids. La littérature sur l’apprentissage phonologique montre que les tendances non naturelles (ou contradictoires) sont plus difficiles à apprendre et ne sont souvent pas apprises par les locuteurs (par exemple, Hayes and Londe 2006, Hayes et al. 2009, Becker et al. 2011, Becker et al. 2012). Le chapitre 2 montre que les locuteurs ne font pas qu’ignorer les tendances problématiques : ils rectifient ces tendances en généralisant.
L’approche probabiliste présentée dans les chapitres 1 et 2 soulève la question de l’influence du pied sur l’accent tonique dans une langue où les effets de poids sont gradients, comme en portugais. En effet, une approche non-catégorielle basée sur le poids crée des défis importants pour la formation du pied. Dans le chapitre 3, je propose qu’il manque de preuves que le pied existe en portugais. Premièrement, les effets de poids dégradés que l’on retrouve dans le lexique et dans le comportement des locuteurs ne peuvent être représentés avec aucun type consistent de pied car même chez les antépénultièmes voit-on des effets de poids. Deuxièmement, aucun processus phonologique (par exemple la troncation, la réduction et l’hypocorisation) fait référence au pied. Troisièmement, différents types de pieds ont été proposés dans la littérature en raison de tendances contradictoires de l’emplacement de l’accent tonique — un défi qui est reflété dans la troncation, la réduction et l’hypocorisation dans la langue. Quatrièmement, les mots sous-minimaux sont à la fois fréquents et productifs dans le lexique portugais.
Le chapitre 3 propose que les preuves contre le pied en portugais sont convaincantes, menant à la conclusion que la langue n’a pas de pieds. Pour renforcer cet argument, je discute de l’anglais, où la preuve pour le pied est robuste. Même si en anglais et en portugais on trouve des tendances d’accentuation superficiellement similaires, je montre que ces deux langues sont fondamentalement différentes. Contrairement au portugais, les tendances de l’accent tonique en anglais — dans le lexique et dans les grammaires des locuteurs — suggèrent des effets de poids qui sont prévus selon une analyse proposant des trochées moraïques et des éléments extramétriques dans la langue (par exemple, Hayes 1982). L’approche probabiliste de l’accentuation basée sur le poids que j’adopte dans cette thèse conclut donc que la présence des pieds est un paramètre langagier (suivant, par exemple, Özçelik 2013, 2014) et que le pied est présent en anglais, mais absent en portugais.
C’est la version la plus à jour de la thèse, qui comprend des corrections (par exemple, des fautes de frappe). Le fichier contient également une liste de références mise à jour, qui inclut les articles qui étaient en cours ou en cours de révision en 2017. Les trois chapitres de la thèse ont été remplacés par leurs publications officielles respectives : Garcia (2017b), Garcia (2019), et Garcia & Goad (2024).
Copyright © 2024 Guilherme Duarte Garcia